Rapport
oral rendu le 29 septembre en session finale.
Transcription
incomplète et approximative de la prise de parole des rapporteurs de la journée
04 des Journées d'étude de "Poursuivre", celle dédiée aux Tables
Rondes de la jeunesse. Voir dans l'article du 8/09/2017 les profils de nos 5
jeunes panélistes, ainsi que dans tous les articles libellés "panel".
C’était un vrai plaisir de
participer à cette table ronde! Les jeunes (depuis moins longtemps que nous ...)
s'expriment librement, avec un naturel déconcertant que les anciens ne se
souviennent pas avoir exercé au même âge avant mai 68 (voire même encore
au-delà). Leur amour de la vie est ressenti intensément, et je ne crois pas me
tromper en disant que tout l'auditoire a savouré ces instants magiques.
Et en même temps, il y a beaucoup d’humilité
dans leurs propos car, heureusement, un sentiment du droit absolu à l’erreur
est bien partagé par tous. Ils nous démontrent que leur droit à l'erreur les a
ouverts davantage, et leur a procuré une aisance à pouvoir rebondir. L'un
d'entre eux, face à l'inconnu et à l'étrange, parlait de « fragmentation
de la personne » et de la peur qui se niche dans les interstices.
Le reconnaître, c'est déjà s'armer pour affronter l'inattendu. En fin de compte,
le désir d’être acteur et pionnier du changement demeure plus fort que tout.
Ils évoquent en pleine conscience
les « déclencheurs » de leurs engagements, qui peuvent être très
variés : études, voyages, opportunités, erreurs, rencontres, ruptures,
imprévus, l'attention aux signes des temps en accord avec un désir profond.
C'est donc quoi: ce désir irrépressible de dépassement, de renouveau? Où aller
le chercher? Une propriété évolutive de la nature humaine que la culture peut
selon le cas étouffer ou libérer?
Nous sommes touchés par leur recherche de
sens, partant bien plus du réel que d'un vague idéal qui, en d'autres temps, faisait
le lit de bien des engagements de leurs anciens. Leur sentiment de
responsabilité semble alimenté aujourd'hui par l’envie d’apporter leur petite
pierre et de passer au concret. En poursuivant leurs engagements, ils
constatent tous que des liens interpersonnels profonds et vivants se créent et
s'entrecroisent qui, en retour, les transforment et les rendent plus vivants,
ouverts et contagieux dans les milieux où ils évoluent.
Nous avons assisté en direct à
certains tournants de leurs existences. Comment ne pas être frappés par leur
audace, leur intensité de vie, leur fécondité et, surtout, par leur profonde quête
intérieure. Pour eux, la créativité n'est pas autre chose que la manifestation
de la vie. En d'autres termes, cesser de
questionner l'acquis, c'est se préparer à mourir.
L’Europe fait partie de leur cadre de vie:
ils y ont grandi, ils y ont fait leurs relations, ils puisent à ses sources
multiples, ils pratiquent d'autres langues, ils travaillent en réseaux, c’est
acquis. C'est complètement intégré à leurs moeurs. Quel décalage avec les
générations précédentes, encore en proie à des états d'âme sur l'exclusivité,
les préférences linguistiques, la bien-pensance, ou l'académisme ! Cela dit,
l’Europe reste une création humaine, et tous déplorent que sa démocratisation ne
soit pas terminée. Comme pour toute construction, la résistance à l'entropie
naturelle est une tâche sans fin, et le développement de ses fonctionnalités un
processus de maturation, comme c’est le cas pour tout organisme vivant. L'Europe
traverse des turbulences et grandit à travers les crises, elle doit sans cesse
se renouveler : "ce qui ne se
renouvelle pas meurt" est la quintessence de l’expression de nos
jeunes.
Tous, ils sont habités par le désir de faire
advenir le monde qui est en train d’émerger. Rappelez-vous : la créativité est la vie, la vie est
évolutive – ne subsiste que ce qui évolue.
Mais pour évoluer en communauté,
il faut créer un espace public du débat, car les choses importantes se passent toujours
à la périphérie, qui n'est pas notre lieu d'observation le plus naturel. C'est
une tâche à tous les niveaux que d'aller aux périphéries, non pas avec
condescendance, mais avec l'appétit de la jeunesse et la certitude de pouvoir
s'y renouveler. L'interface, l'entre-deux, la frontière: autant de lieux où se
produisent les événements qui comptent pour un destin collectif, et qui deviennent
aujourd'hui les objets de recherches intelligentes et d'expérimentations, avec
le changement d'échelle des lieux de vie ou de migration (mondialisation).
Toute avancée devra être de plus en plus mûrie par une intelligence collective,
avant de pouvoir prendre corps. Nous voyons bien l'aisance de nos jeunes à
épouser les mécanismes de mise en commun, de partage, de délibération
collective, de veille critique, tous plus élaborés qu'en d'autres temps.
Nous sommes impressionnés par leur
pragmatisme, leur curiosité féconde, leur audace et leur altruisme. Cela se
traduit par une capacité à offrir de leur temps à l’autre qui vient les
traverser. Pareille capacité se nourrit de leur conviction d'avoir à attendre
quelque chose de chaque interlocuteur. Moins d'ego, plus d'écho dans la
rencontre. Cela se traduit aussi par une facilité à arrêter une trajectoire,
pour en emprunter une autre insoupçonnée. Leur disponibilité à l'interactivité,
plus grande que celle des anciennes générations, les prépare mieux que nous
l'avons été à vivre un monde mélangé, systémique et évolutif.
Regarder là où les autres ne
regardent pas, veiller au mélange des genres, être conscient de l’importance de
l’inattendu. Cela ne devrait dépendre ni des origines, ni des générations. A
chacun la possibilité de se comporter en "chercheur". La performance
n'est pas l'apanage du sportif, l'éveil n'est pas l'apanage de l'éducateur, le
soin d'autrui n'est pas l'apanage du médecin, le soin de la planète n'est pas
l'apanage des écolos, la beauté du regard n'est pas l'apanage de
l'artiste. Nous voyons bien que la
pulsion de recherche et de dépassement, le goût de faire advenir du neuf,
tellement apparents chez ces jeunes magnifiques, cela nous étreint tous dans
nos petitesses comme dans nos rêves.
Parmi l'audience, une professeure de sciences
a manifesté sont intérêt et son encouragement pour leurs travaux. Et avec une
simplicité émouvante, la réponse fut : « les petits encouragements
sont plus importants pour nous que les grands prix ». Serait-ce un rôle
sous-évalué qu'il incomberait aux anciens d'assumer? Avec le développement des
sciences cognitives, la mobilité, la connectivité, la mondialisation, la
numérisation, etc, les anciens ne peuvent plus se complaire dans le rôle de
dépositaires du savoir. La transmission, qui est au coeur des relations
intergénérationnelles, ne peut plus se réduire à une quelconque forme de
transmission d'un savoir. D'un autre côté, nous avons à prendre plaisir et
force dans cette attente manifestée par 5 jeunes exceptionnels: leur rendre la
confiance, les sécuriser là où ils prennent des risques que nous n'aurions peut
être pas pris avant, leur faire la fête à chaque occasion de se réjouir, et
alimenter leur flamme par l'exemple que nous devrions toujours donner d'un
immense respect pour la vie.
A partir du rapport de Brigitte Gillerot et Monika Sander, et de la
modération apportée par Etienne Magnien.