Cause ou conséquence du génie
créateur?
Nous le
savons, les chercheurs sont plutôt plus mobiles que la moyenne des actifs. A
vingt ans, ils veulent découvrir le monde. A vingt-cinq ans, ils veulent se
mettre à l'école des plus grands maîtres. A trente ans, ils veulent diversifier
et corser leur expérience. A trente-cinq ans, ils sont à la poursuite des
contrats susceptibles de faire aboutir leurs publications de prestige. A
quarante ans, ils cherchent un statut chez le plus offrant: université,
entreprise ou grand institut. Tout ça ne va pas sans mal, mais la quête obstinée
d'un environnement qui soit favorable à l'esprit de spéculation, à la liberté
d'entreprendre et à la fréquentation des meilleurs n'en demeure pas moins le
moteur du jeune chercheur.
Avant de
recevoir les témoignages corroborants des nouvelles générations, ne boudons pas
notre plaisir et laissons-nous impressionner par les vagabondages (trop mal
connus) de la plupart des figures légendaires de la recherche. Etienne Klein
vient de publier son excellent "Le pays qu'habitait Albert Einstein"
(Actes Sud, 2016), essai dans lequel il démontre s'il en était besoin que ce
penseur universel aimait larguer les amarres, et que son réel port d'attache
n'était autre que son immense imagination. Vous êtes tenté de me dire: Ah, oui!
Mais c'était un génie, lui. Dès lors, pouvons-nous en tirer des conclusions?
Certes, mais il n'était pas le seul dans ce cas de figure. Voyez Copernic,
Erasme, Descartes, Marie Curie, Sigmund Freud, Florence Nightingale, Sigmund
Freud, etc (Ci-dessous: schémas pour quelques uns de l'enchaînement de leurs
résidences professionnelles). Le modèle est pour le moins répandu.
Ensuite,
mettons-nous en tête qu'il y a tout le cortège des anonymes, car la recherche ne
se maintient pas à la traîne de quelques célébrités, mais elle progresse avec les
flux de chercheurs innombrables, par lesquels circulent les idées nouvelles et
les savoir faire les plus avancés. Les pionniers de l'innovation, qu'elle soit
scientifique, sociale ou culturelle, sont couramment des personnes déplacées et
qui se tiennent à l'écoute de tous les environnements (Thierry Gaudin, L'Aube,
1998). Exprimé autrement, la dynamique des exils, rencontres et influences,
suscite une production culturelle et intellectuelle originale et favorise le
"scepticisme créateur" (Nicole Lapierre, Stock, 2004). Tous ne
rencontrent pas la même chance, mais tous sont placés dans la même quête. Le
profane se demande peut être ce qui alimente cette quête: les chercheurs se
délocaliseraient volontiers (géographiquement, ou mentalement) en mal de
découvrir telle ou telle face cachée? Ou serait-ce plutôt leur initiation
savante qui en ferait des citoyens du monde par construction? Est-ce donc le
manque, ou la surabondance qui les pousse ainsi? Qu'en disent-ils eux-mêmes?
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