Hier, Bertrand Piccard passait sur une
antenne connue pour présenter son nouveau livre. Il parle bien parce qu'il vit
effectivement ce qu'il dit, et sa crédibilité balaye les critiques. J'ai
cueilli une réflexion qui vise au coeur du débat de notre Table Ronde: il y a
différentes façons de se forger une mentalité de pionnier et, parmi celles-ci,
il n'y en a pas de mineure. Les pionniers du XXIème siècle n'ont pas de leçons
à recevoir de leurs anciens.
Pour mémoire, Bertrand Piccard est ce psychiatre,
aérostier, promoteur des technologies propre, qui vient d'accomplir avec André
Borschberg le tour du monde en 17 étapes aux commandes d'un avion solaire sans
une seule goutte de carburant. Le même homme, qui n'en est pas à son premier
défi, avait déjà effectué un tour du monde en ballon sans escale.
A l'occasion de cet entretien télévisé, il
évoque les personnalités de son père et de son grand-père. Le premier,
océanographe, porte à son palmarès le record du monde de profondeur en plongée
(10916 mètres dans la fosse des Mariannes) à bord d'un célèbre bathyscaphe. Le
second, physicien, fut le premier être humain à avoir pénétré en ballon la
stratosphère, démontrant qu'il était possible de survivre au-dessus de la
limite des 5000 mètres sur une longue durée. L'animateur posa alors cette
question à Bertrand Piccard (rapportée approximativement): "En 3
générations, les Piccard ont poussé les possibilités humaines aux extrêmes dans
le sens de la hauteur d'abord, puis de la profondeur et, enfin, dans le sens
horizontal qui enveloppe la planète. Vous avez 3 filles. De quoi
pourraient-elles bien, à l'exemple de leur prestigieuse ascendance, se faire
les pionnières désormais, alors que toutes les directions spatiales ont été
défiées dans la famille?
La réponse paisible de Bertrand Piccard nous
concerne au premier chef. Il atteste que les nouveaux continents à explorer
("terra incognita",
disaient les géographes), où exercer la créativité des nouvelles générations,
sont sans doute d'un autre ordre. Il y voit la médecine avec le fonctionnement
du cerveau par exemple, les causes de la pauvreté, les sciences de l'éducation,
les droits de l'homme, la gestion durable des ressources, etc. Son argument est
fort: ces thèmes ne sont pas seulement des discours qui feraient les délices
des grands débats publics. Ils sont effectivement des espèces de "boîtes noires",
devant lesquelles la capacité de l'homme à comprendre et à délier les déterminants
est encore balbutiante. Ce sont en réalité des aires de conquêtes futures, qui
ont besoin de leurs pionniers, ceux-ci étant armés d'un esprit au moins aussi
curieux, aventureux et audacieux que pouvait l'être le mental des explorateurs
terrestres, spatiaux ou marins.
C'est aussi notre conviction, qui motive
la participation de jeunes créatifs d'horizons parfois très éloignés. Ils
veulent démontrer que même le respect humain et le souci d'un bien commun commandent
une attitude pionnière. Et il n'est pas indifférent que ce soit une
personnalité de culture scientifique qui prenne une telle position. Le grand-père
Auguste Piccard, lui-même, est cité pour avoir déclaré en son temps:
"La question maintenant n’est pas tant de savoir
si l’homme pourra aller encore plus loin et peupler d’autres planètes, la
question est de savoir comment s’organiser de façon à rendre sur Terre la vie
de plus en plus digne d’être vécue".
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