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04/02/2017

Chercheur : un état, ou une attitude ?

D'abord une tournure d'esprit, qui entretient ce que Helga Nowotny appelle le "processus" de la recherche. Les tendances comportementales (curiosité, mobilité, décentrement, goût du paradoxe, gratuité), que nos jeunes chercheurs incarnent et décrivent avec humour ou avec tendresse, ne sont pas autre chose que les vecteurs d'un mouvement calqué sur la vie, et qui emprunte au vivant son caractère dynamique. Autrement dit, il ne nous est pas interdit, que nous soyons chercheurs de métier, dilettantes, ou simples amateurs, d'entrer nous-mêmes dans ce mouvement.

Helga Nowotny ne dit pas autre chose dans son livre (The cunning of uncertainty, Polity Press, 2015) sur les ruses de l'incertitude, que je vous soumets avec les propres commentaires de l'auteur repris ci-dessous. Voici ce qu'elle en dit :

Nous vivons une époque qui fait la part belle à des politiques de la peur, qui s'ingénient à susciter délibérément de l'anxiété dans la population à des fins partisanes. Mon expérience professionnelle m'a ouvert les yeux sur la capacité inhérente à la science de se mesurer à l'incertitude. L'incertitude est la force motrice de la science dans la mesure où elle pousse les chercheurs à affronter l'inconnu.

Et cependant, la société aspire à un monde bardé de certitudes. Elle met la pression sur les scientifiques pour recevoir des réponses sous la forme tranchée d'un "oui" ou d'un "non". Or, c'est impossible. A la rigueur, un "oui" sous tout un tas de conditions. Ce n'est pas seulement une question d'honnêteté, mais de réelle nécessité que celle de parvenir à intégrer l'incertitude dans nos vies.

Je suis très claire là-dessus dans mon livre : si on se laisse gouverner par la crainte de l'imprévu, on fait barrage à tous les possibles dont l'avenir est porteur. Je parle de "ruse" comme d'une métaphore décrivant comment nos plans s'écartent de la ligne droite que nous leur avions dessinée, afin que nous apprenions aussi à jouer de la force subversive de l'incertitude. Si seulement les gens pouvaient se rendre compte combien les ruses de l'incertitude se présentent en réalité comme le moyen de découvrir tant d'autres dimensions, qui échappaient à notre imagination planificatrice.

 J'ai pour ce livre deux publics : les chercheurs que j'encourage à ne plus minimiser l'incertitude, qui est l'essence-même du processus de recherche; et la société qui entretient des peurs, sans avoir pris conscience qu'elle met ainsi en scène des risques liés aux acquis des sciences et techniques, mais qui n'ont rien à voir avec le risque désirable de découvrir du nouveau, donc de l'impensé.

La vie est incertitude. La seule certitude est la mort. Ou le changement ... ce qui n'est pas incompatible.

(Note de la rédaction: il s'agit d'une traduction libre mais honnête d'interviews recueillies auprès d'Helga Nowotny à l'occasion de la sortie de son livre en 2015).


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