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18/04/2017

Et l'homme dans tout ça ?

Créatif, on l'est de diverses manières : en ajoutant des parcelles au savoir complexe de l'humanité, en développant de nouveaux outils ou de nouveaux services, en étendant le pouvoir de l'imagination et de la fantaisie, en tissant des liens sociaux, en suscitant des espaces de dialogue, d'émotion et d'expériences collectives, etc. Nous avons constaté dans la précédente publication qu'un certain glissement semblait s'opérer chez les jeunes générations, dont la créativité substantielle (nouvelles matières, nouveaux objets, ce que les anglophones appellent les artefacts) apparaît moins recherchée que la créativité relationnelle (Un peu comme si les générations précédentes avaient "désagrégé" l'univers des réalités objectives à l'infini, au point que les générations suivantes se sentiraient plus attirées par la perspective de remonter dans l'échelle de l'agrégation des choses et des êtres).

C'est dans ce contexte que la rencontre de Sébastien de Fooz s'est faite. Créatif, il l'est à coup sûr. Pour ceux qui ont la chance de se mettre à table avec lui, voici le menu:

1973 : naissance à Gand. Formé professionnellement à la communication, il s'intéresse tout particulièrement à toutes les formes de relations interpersonnelles, dans le cadre du dialogue entre les cultures et les religions. 1997 : à 24 ans, il quitte sa ville natale, pour rejoindre en solo le Cap Finistère espagnol. Expérience fondatrice qui sera le début d’un changement radical, une marche qui l’amène du "je veux tout tout de suite" au bonheur du "je veux ce qui est". 2005 : départ à pied pour Jérusalem. Lente transformation vers un mode de vie différent : rejoindre le lointain, lentement.  Devenir cet étranger de nos représentations archétypales (lire: "A pied à Jérusalem", Ed. Racine, 2007). 2010 : il développe son projet "Jorsala" qui vise l’ouverture d’un sentier pédestre transeuropéen (voir: http://www.jorsala.org/fr/itineraire-ostende-odessa/). 2012 : Lancement de la première marche de groupe "Jorsala" pour la promotion du dialogue interculturel, de Bruxelles à Aix-la-Chapelle. Soixante personnes, issues de la diversité socio-culturelle belge, vivent au cours de cette marche au long cours une expérience de déconstruction de projections et d’a priori. 2013: pour l'initiative "Bruxelles en dialogue", il propose des tables de dialogue, ouvertes dans des lieux emblématiques ou plus inédits de la ville. Au sein du projet "Jorsala" est lancé un label qui reconnaît des "espaces de dialogue".  (http://www.brusselindialoog.eu/?page=contenu&lang=fr&genre=article&det=111). 2014: la grande marche Ypres-Istanbul du centenaire de la première guerre mondiale. 2017 : la marche transeuropéenne Ostande-Odessa.



Notre Table Ronde des "Jeunes en mode créatif" s'est déjà entourée de chercheurs scientifiques, entrepreneurs ou artistes. Il nous manquait sans doute un instigateur de la rencontre improbable, un promoteur du croisement des cultures, bref : un chercheur en humanité. Il n'y a pas à douter que plus d'un visiteur de notre blog se pencheront sur ses productions, avec cette curiosité partagée : à côté de la technologie, de la mode, des biens et services, quelle est la part de l'homme dans le progrès sociétal?

04/02/2017

Chercheur : un état, ou une attitude ?

D'abord une tournure d'esprit, qui entretient ce que Helga Nowotny appelle le "processus" de la recherche. Les tendances comportementales (curiosité, mobilité, décentrement, goût du paradoxe, gratuité), que nos jeunes chercheurs incarnent et décrivent avec humour ou avec tendresse, ne sont pas autre chose que les vecteurs d'un mouvement calqué sur la vie, et qui emprunte au vivant son caractère dynamique. Autrement dit, il ne nous est pas interdit, que nous soyons chercheurs de métier, dilettantes, ou simples amateurs, d'entrer nous-mêmes dans ce mouvement.

Helga Nowotny ne dit pas autre chose dans son livre (The cunning of uncertainty, Polity Press, 2015) sur les ruses de l'incertitude, que je vous soumets avec les propres commentaires de l'auteur repris ci-dessous. Voici ce qu'elle en dit :

Nous vivons une époque qui fait la part belle à des politiques de la peur, qui s'ingénient à susciter délibérément de l'anxiété dans la population à des fins partisanes. Mon expérience professionnelle m'a ouvert les yeux sur la capacité inhérente à la science de se mesurer à l'incertitude. L'incertitude est la force motrice de la science dans la mesure où elle pousse les chercheurs à affronter l'inconnu.

Et cependant, la société aspire à un monde bardé de certitudes. Elle met la pression sur les scientifiques pour recevoir des réponses sous la forme tranchée d'un "oui" ou d'un "non". Or, c'est impossible. A la rigueur, un "oui" sous tout un tas de conditions. Ce n'est pas seulement une question d'honnêteté, mais de réelle nécessité que celle de parvenir à intégrer l'incertitude dans nos vies.

Je suis très claire là-dessus dans mon livre : si on se laisse gouverner par la crainte de l'imprévu, on fait barrage à tous les possibles dont l'avenir est porteur. Je parle de "ruse" comme d'une métaphore décrivant comment nos plans s'écartent de la ligne droite que nous leur avions dessinée, afin que nous apprenions aussi à jouer de la force subversive de l'incertitude. Si seulement les gens pouvaient se rendre compte combien les ruses de l'incertitude se présentent en réalité comme le moyen de découvrir tant d'autres dimensions, qui échappaient à notre imagination planificatrice.

 J'ai pour ce livre deux publics : les chercheurs que j'encourage à ne plus minimiser l'incertitude, qui est l'essence-même du processus de recherche; et la société qui entretient des peurs, sans avoir pris conscience qu'elle met ainsi en scène des risques liés aux acquis des sciences et techniques, mais qui n'ont rien à voir avec le risque désirable de découvrir du nouveau, donc de l'impensé.

La vie est incertitude. La seule certitude est la mort. Ou le changement ... ce qui n'est pas incompatible.

(Note de la rédaction: il s'agit d'une traduction libre mais honnête d'interviews recueillies auprès d'Helga Nowotny à l'occasion de la sortie de son livre en 2015).