Pistes à explorer

Pour découvrir les 5 personnalités qui constituent notre panel, appeler tous les articles qui répondent au libellé "panel".
Pour entrer directement dans le vif du sujet, voir l'article: L'ouverture féconde ou l'errance du chercheur, du 24 janvier 2017, référencé par le libellé "feuille de route".

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10/07/2017

Autour de l'expo "Union(S) européennes" et de la marche de Jorsala


 Chers panellistes et amis de ce blog, dans 2 mois 1/2 vous serez seuls face à notre auditoire et abandonnés à la vérité toute simple de vos propres témoignages. Et c'est bien ce que le public attend, lui qui n'a que faire des spéculations et commentaires qui encombrent ces colonnes. Mais n'allez pas vous croire seuls dans votre quête d'un surcroît de vie ou d'un supplément d'âme. Ici, je reviens livrer simplement deux informations du monde extérieur qui manifestent ouvertement ce que nous essayons de dévoiler.

·      La première information vient des transports parisiens, mais fait directement écho à notre article du 24 janvier dernier, sous le titre de "L'ouverture féconde ou l'errance du chercheur". Cet ancien article incluait notre "feuille de route" essentielle, qui reste absolument d'actualité pour la Table Ronde annoncée. Je cite le paragraphe suivant de la feuille de route:

 Implications sociales d'une mobilité de la tête et des jambes : En évoquant le programme de mobilité des étudiants et apprentis ERASMUS, le sémiologue Umberto Eco a dit: «C’est aussi une révolution sexuelle. Les couples mixtes que ce programme a suscité à hauteur du million, et leurs enfants bilingues à naître, constitueront une nouvelle élite européenne qui laisse augurer un avenir plus convaincant à notre Europe ». Dépassant l'anecdote, avez-vous le sentiment qu'une certaine disponibilité professionnelle à intégrer la différence se répercute positivement dans l'intime (la vie domestique, familiale ou affective, sans oublier les loisirs) ?

Au métro Montparnasse donc, la RATP a déployé une grande fresque pour nous faire voir de quoi sera constituée la nouvelle élite européenne (expression d'Umberto Eco). Toutes ces unions mixtes à double culture, d'où surgissent des enfants aux identités multiples et aux parlers diversifiés, qui sont les fruits des itinéraires d'apprentissage décloisonnés de leurs parents ! D'où le titre que la RATP a voulu donner à cette fresque: Union(S) européennes ... Le photographe qui en est l'auteur, Frédéric de la Mure, s'est exprimé ainsi: « S’il y a bien une chose que je retiens de toutes ces rencontres, c’est que chaque parent essaie de transmettre les valeurs de son pays d’origine tout en respectant celles de l’autre. Pour moi, ces parents binationaux sont un trait d’union avec l’avenir ! »

·      L'autre information du moment qui nous interpelle, sans doute inaperçue du grand nombre, c'est la grande marche Ostende-Odessa qu'organise l'Association Jorsala dont l'un de nos panellistes - Sébastien de Fooz - est l'animateur. Les marcheurs ne sont-ils pas eux aussi des chercheurs avec leurs pieds, tous les sens déployés et le coeur ouvert? Leur mot d'ordre: vivre la confiance au-delà de l’inconnu par le biais du dialogue. Aujourd'hui, ils sont en Allemagne à l'approche de la frontière tchèque.
Voir http://www.jorsala.org/fr/files/2017/04/Communique%CC%81-Jorsala_FR1.pdf.

Tout ça pour dire que nos discours n'ont rien de théorique. Il suffit de regarder ce qui se passe aux frontières. C'est toujours aux frontières que l'esprit curieux se doit de regarder.

23/05/2017

Un pied vers l'inconnu ... pour en faire notre allié

Je m'appelle donc Sébastien de Fooz, j'ai 43 ans à l'heure où j'écris ces lignes. Je suis né à Gand, et je suis issu d'une famille francophone de Flandre, ceci explique pourquoi les questions identitaires me passionnent. J'ai étudié les Sciences Sociales et depuis je suis animé par la création d'espaces de dialogue.  Que ce soit en prison, aux soins palliatifs où à Molenbeek où je travaille depuis 5 ans. 








J'ai été à pied à St-Jacques, à Rome et à Jérusalem. Suite à cette expérience, avec des gens sensés, nous avons fondé l'asbl Jorsala qui vise à créer des espaces de dialogue au travers de la marche. 
En 2012, nous sommes partis avec 60 Belges issus de la société civile de Bruxelles à Aix-la-Chapelle. En 2014, 100 ans après la Première Guerre Mondiale plus de 100 personnes se sont rendues sur la marche d'Ypres à Istanbul.





 Ce 25 mai, nous initions une marche d'Ostende à Odessa. De part et d'autre de lignes de fractures, nous invitons des personnes à nous rejoindre pour un jour, pour une semaine ou pour plusieurs mois de marche et de vivre l'expérience Jorsala. Parce que si nous restons avec les deux pieds sur terre, nous n'avançons pas d'un pas. 
Je me réjouis donc de passer un moment avec vous avec au moins un pied vers l'inconnu. Et d'en faire notre plus fidèle allié...
Sites: 
www.jorsala.org
www.bruxellesendialogue.eu

13/05/2017

L'ivresse des frontières

Parfois, il nous arrive d'oublier que nos petites discussions doivent finalement nous conduire à Houffalize, le 28 septembre. Or, vous auriez tort de croire au hasard, et de passer un peu vite sur ce que vous alliez considérer comme un simple concours de circonstances. Pourquoi Houffalize, au coeur du massif ardennais? Les uns verront, dans ce lieu de notre prochain rassemblement, ni plus ni moins qu'une province reculée de la Belgique. Mais d'autres (et je voudrais vous inviter à cette observation) ne manqueront pas de noter la valeur symbolique qu'il est possible d'attacher à ce lieu à peu près inconnu, par le simple fait qu'il est une charnière des nations européennes. Imaginez que 5 sur les 6 pays fondateurs des Communautés européennes se retrouvent ici à un jet de pierre (ou presque) les uns des autres. C'est tout simplement bluffant.


Connaissez-vous beaucoup d'endroits qui soient entourés de 4 frontières dans un mouchoir de poche? C'est un peu comme si Paris était enserré par 4 frontières, et que l'on parlait le néerlandais à partir de Chantilly, l'allemand à partir de Meaux, le luxembourgeois dès Corbeil-Essonne et le français au-delà de Saint-Germain-en-Laye. Houffalize n'est en effet qu'à 8 km du Luxembourg, 22 km de l'Allemagne, 63 km de la France et 69 km des Pays-Bas. Exprimé autrement, c'est comme si l'un des plus petits départements français incluait dans son périmètre les enclaves de 5 nations européennes contigües. Grisant, non? 


Pourquoi serait-ce tellement grisant? Eh, bien: je fais appel à la capacité émotive de chacun. César a franchi le Rubicon, certes.  Mais à quel moment se situait chez lui et ses hommes le sentiment bien prévisible de l'exaltation, de la question ou du doute? Précisément pendant la traversée, au moment de n'être déjà plus en-deçà, mais pas encore au-delà. Donc, exactement dans le vertige d'être en train de traverser une frontière, troublé à l'idée de se retrouver borné à une seule fatalité, étreint d'un inévitable sentiment d'inachèvement.


Sans fomenter les mêmes desseins inavouables que pouvait concevoir alors Jules César, chacun s'est trouvé une fois ou l'autre au milieu d'un gué ou sur la corde raide. Il paraît que c'est un exercice salutaire. Sans aller jusqu'à en faire une thérapie, je me contente de mettre en discussion la vertu du vide médian ou de l'entre-deux, l'instant fugace où l'on vit l'illusion de prendre appui sur deux milieux à la fois. Le moment du grand écart, quand s'ouvre à nos yeux étonnés la possibilité de rejoindre deux mondes, de faire en sorte que ces deux mondes existent simultanément pour soi.



C'est une expérience qui peut être bouleversante, et que connaissent plus naturellement les randonneurs et les aventuriers par exemple (ne parlons pas des travailleurs frontaliers, pour qui le grand écart est un exercice quotidien entré dans la banalité). Qui n'a pas déjà joui de l'exaltation de pouvoir poser un pied dans un pays et l'autre dans le pays voisin, surtout quand on arrive au terme d'une ascension vers un col ou un sommet? Qui n'a pas tenté, ou au moins rêvé, de mettre un pied en Europe et l'autre en Asie au franchissement d'un pont sur le Bosphore? Qui n'a pas cédé au plaisir typiquement islandais de prendre pied dans le  "graben" du rift médio-atlantique entaillé de failles, d'où s'écartent les deux plaques tectoniques de l'Amérique du Nord et de l'Eurasie? Combien sont ceux, heureux et fortunés, qui ont baroudé dans les Alpes Rhétiques, pour réaliser qu'ils piétinaient des hautes terres, dont les différents versants basculaient simultanément vers la Mer du Nord, la Méditerranée et la Mer Noire. Un endroit magique où une même pluie est capable ponctuellement d'alimenter en eau les 3 grands bassins du Rhin, du Po et du Danube, constitutifs de l'Europe dans toute son extension ...


Où est-ce que je veux donc en venir? C'est d'abord le moment de rendre la parole à certains parmi nos panellistes, puisqu'il en est qui se sont largement familiarisés avec les voyages au long cours et le franchissement de frontières. Comment s'est exprimée chez eux la sensation du vide médian? Qu'ils parlent donc ! Ensuite, vous n'aurez guère de mal à me suivre dans une déclinaison des versions métaphoriques du grand écart.

Quittant la frontière située dans l'espace, une transposition dans un cadre temporel se conçoit aisément. La position qui consiste à avoir un pied dans le passé et l'autre dans le futur prend souvent un sens initiatique. Pensons à la célébration du Nouvel An, aux rites de passage vers l'âge adulte, ou simplement à l'impact que les levers et les couchers de soleil peuvent avoir sur nos esprits. La métaphore fait son chemin et peut nous renvoyer au sujet même de notre Table Ronde, si l'on veut bien penser à l'importance des césures dans nos parcours personnels, à l'élargissement du regard quand deux personnes dépassent leurs différences dans une discussion controversée, aux enfants embellis par la double culture de parents allochtones, à tous les efforts pour jeter de nouveaux ponts ou abattre des murs irrationnels. Aujourd'hui, pour un entretien d'embauche, on ne vous  demande plus quels sont vos diplômes; on vous demande plutôt: combien de frontières avez-vous déjà franchies?





08/03/2017

MOBILITE

Cause ou conséquence du génie créateur?

Nous le savons, les chercheurs sont plutôt plus mobiles que la moyenne des actifs. A vingt ans, ils veulent découvrir le monde. A vingt-cinq ans, ils veulent se mettre à l'école des plus grands maîtres. A trente ans, ils veulent diversifier et corser leur expérience. A trente-cinq ans, ils sont à la poursuite des contrats susceptibles de faire aboutir leurs publications de prestige. A quarante ans, ils cherchent un statut chez le plus offrant: université, entreprise ou grand institut. Tout ça ne va pas sans mal, mais la quête obstinée d'un environnement qui soit favorable à l'esprit de spéculation, à la liberté d'entreprendre et à la fréquentation des meilleurs n'en demeure pas moins le moteur du jeune chercheur.

Avant de recevoir les témoignages corroborants des nouvelles générations, ne boudons pas notre plaisir et laissons-nous impressionner par les vagabondages (trop mal connus) de la plupart des figures légendaires de la recherche. Etienne Klein vient de publier son excellent "Le pays qu'habitait Albert Einstein" (Actes Sud, 2016), essai dans lequel il démontre s'il en était besoin que ce penseur universel aimait larguer les amarres, et que son réel port d'attache n'était autre que son immense imagination. Vous êtes tenté de me dire: Ah, oui! Mais c'était un génie, lui. Dès lors, pouvons-nous en tirer des conclusions? Certes, mais il n'était pas le seul dans ce cas de figure. Voyez Copernic, Erasme, Descartes, Marie Curie, Sigmund Freud, Florence Nightingale, Sigmund Freud, etc (Ci-dessous: schémas pour quelques uns de l'enchaînement de leurs résidences professionnelles). Le modèle est pour le moins répandu.

Ensuite, mettons-nous en tête qu'il y a tout le cortège des anonymes, car la recherche ne se maintient pas à la traîne de quelques célébrités, mais elle progresse avec les flux de chercheurs innombrables, par lesquels circulent les idées nouvelles et les savoir faire les plus avancés. Les pionniers de l'innovation, qu'elle soit scientifique, sociale ou culturelle, sont couramment des personnes déplacées et qui se tiennent à l'écoute de tous les environnements (Thierry Gaudin, L'Aube, 1998). Exprimé autrement, la dynamique des exils, rencontres et influences, suscite une production culturelle et intellectuelle originale et favorise le "scepticisme créateur" (Nicole Lapierre, Stock, 2004). Tous ne rencontrent pas la même chance, mais tous sont placés dans la même quête. Le profane se demande peut être ce qui alimente cette quête: les chercheurs se délocaliseraient volontiers (géographiquement, ou mentalement) en mal de découvrir telle ou telle face cachée? Ou serait-ce plutôt leur initiation savante qui en ferait des citoyens du monde par construction? Est-ce donc le manque, ou la surabondance qui les pousse ainsi? Qu'en disent-ils eux-mêmes?

Entre temps, laissons-nous entrainer sur ces nouveaux "chemins de Compostelle" de la recherche, qui sillonnent l'Europe dans tous les sens, jalonnés de résidences d'artistes ou de chercheurs, et qui ont beaucoup à voir avec l'édification d'une société de la découverte.