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05/10/2017

Notre Table Ronde appelée à devenir Table d'Hôtes

Certains auraient pu penser que la Table Ronde du 28 septembre à Houffalize se limiterait à des propos de courtoisie en présence d'un public bienveillant. La bienveillance ne faisait aucun doute, mais le niveau d'intelligence sur lequel se sont immédiatement placés les échanges a certainement provoqué des remous qui commencent à creuser dans l'intimité des consciences.

Arnaud nous a secoués d'une manière à la fois humoristique et salutaire. " Et si vous, les anciens, preniez la peine de monter sur ce podium à la place des jeunes, seriez-vous prêts à entendre les questions qu'ils brûlent eux aussi de pouvoir vous poser?" nous asséna-t-il, provoquant un silence riche de sens.

Mais Arnaud nous invite à y réfléchir d'une manière qui demande un peu plus de subtilité. Et voici donc ce qu'il ajoute à cette interpellation.

- Comment le mouvement "Poursuivre" peut-il créer des espaces de rencontre entre jeunes et anciens qui viseraient à questionner et échanger sur des sujets qui leur tiennent à coeur conjointement, sur des enjeux qu'ils ont identifiés ensemble et qu'ils estiment importants (jeunes et anciens). Du coup, l'interpellation du public est davantage liée à un processus qui serait à mettre en place, plutôt qu'à des questions précises qu'il faudrait formuler. La jeune génération croit très fort à la confrontation des points de vue et à la richesse d'un débat où les idées ont l'occasion de s'enrichir. 
Pour un mouvement qui se veut un espace de réflexion et d'idée, il est absolument indispensable de permettre cette confrontation avec d'autres (jeunes, anciens, venus d'ailleurs...) dans une perspective de transformation sociale. Car, les idées seules ne peuvent vivre qu'à travers les actions et inversement.

S'il faut en venir aux questions, celles-ci semblent s'imposer de prime abord.

- Comment les moins jeunes envisagent-ils leur place/rôle dans la société actuelle (à coté des jeunes, en soutien, avec...)? L'ancienneté sublimée consisterait-elle à quitter l'avoir pour l'être, ou à étendre l'être jusqu'à l'être avec (NDLR)?
- Que peuvent apporter les moins jeunes, selon eux, aux plus jeunes qui se mobilisent tant bien que mal? 
- Comment faire mouvement ensemble et quelles sont, selon nos anciens, les actions à mener pour rendre celles-ci plus égalitaires? 
- Et cette question plus intime, capable de réunir des fragilités mieux assumées: "De quoi doutez-vous et qu'est-ce qui vous anime, aujourd'hui, pour aller de l'avant?"

Et Arnaud a la modestie d'ajouter: "C'est à chaud, ce soir, et peut-être que mes questions auraient été différentes il y a une semaine. Ce ne sont pas des certitudes et pour moi, ce qui compte, c'est de voir la façon dont on peut avancer à partir des préoccupations de chacun". 

Merci, Arnaud. Tu nous montres le chemin pour faire en sorte que notre Table Ronde expérimentale devienne, à terme, une Table d'Hôtes capables d'inviter le monde extérieur, et d'abord beaucoup de jeunesse pour que se disent et se vivent les attentes respectives, dans le sens d'une plus vibrante humanité.

11/06/2017

Marabout --> Bout de ficelle ...

La comptine n'a certainement pas quitté nos mémoires et doit pouvoir s'entendre encore aujourd'hui dans les cours des écoles primaires:
Marabout --> Bout de ficelle --> Selle de cheval --> Cheval de  course --> Course à pied --> Pied de cochon --> Cochon de ferme  --> Ferme ta boîte --> Boîte à sucre --> Sucre candi --> Qu'en dis-tu?
La construction en est intéressante, parce qu'elle fonctionne comme un labyrinthe dont les circonvolutions illustrent un parcours de connaissance aléatoire.



La pensée arborescente
Une comparaison plus fidèle encore serait celle d'une arborescence, que les botanistes qualifieraient volontiers de "cyme", telle qu'on peut en trouver dans les inflorescences de bourrache ou de myosotis. La linéarité d'une phrase commençante est donc interrompue, avant que celle-ci n'ait pu délivrer son sens particulier, par une bifurcation définissant un nouvel axe qui a sa linéarité propre et qui porte une signification nouvelle. L'axe secondaire connaît à son tour une bifurcation, et ainsi de suite. A chaque bifurcation, un nouveau palier de sens est atteint. En même temps, il n'y a pas de suite logique dans les sauts de paliers, autre que l'homophonie de la dernière syllabe du terme précédent, qui sert de pivot pour pouvoir enchaîner. En littérature, cette figure de style est repérée sous le nom de dorica castra. Au patrimoine oral enfantin, on parlera plutôt d'une "chanson en laisse".


L'illustration du pouvoir créateur d'une pensée vagabonde et associative, labyrinthique mais sans rompre le fil d'Ariane, se présente à l'infini dans les milieux de la recherche-innovation aussi bien que ceux de l'expression artistique. Mais pour n'en donner qu'un exemple parmi les plus originaux, pourquoi ne pas évoquer les carnets de Fabienne Verdier, peintre-calligraphe aux sources d'inspiration trans-culturelles, qui se livra en 2013 à l'expérience de devoir re-visiter les Primitifs flamands (Musées Groeninge de Bruges et Erasme d'Anderlecht). Exemple choisi à dessein pour ne pas perdre de vue la correspondance ontologique des univers scientifique et artistique quand surgit l'inspiration.

Les petits carnets à trésors de Fabienne Verdier
Donc Fabienne Verdier, face aux tableaux de Jan van Eyck ou de Rogier van der Weyden, choisit de graver les sursauts de son inspiration sous la forme journalière et aléatoire du carnet d'artiste (Voir: Fabienne Verdier et les maîtres flamands, Ed. Albin Michel, 2013). Elle, qui s'est vouée plutôt à la peinture abstraite, graphique et puisant à l'énergie primordiale du Qi des anciens lettrés chinois, la voilà qui produit des carnets destinés à recueillir l'effet de sa rencontre avec la peinture flamande. C'est donc un choc culturel, comme il en est régulièrement question au travers de ce blog. On y trouve, à côté des images dérivées de son exposition répétée à l'une ou l'autre grande oeuvre de la Renaissance, tous les errements de sa pensée qui se démultiplient en résonances dans les diverses autres cultures qui l'habitent. "Le caractère immédiat de la perception me fascine, tu vis et revis là, l'ici et maintenant total!" ne peut-elle s'empêcher de dire. Mais en même temps, l'expérience fulgurante qu'elle décrit demande, pour être traduite en carnet, un foisonnement inouï de diverticules et de représentations enchaînés par associations d'idées. Voici ce qu'en dit Alexandre Vanautgaerden:
- Ces minces cahiers privilégient le charme des commencements, dialogue fécond entre textes, diagrammes et images.
- un itinéraire impromptu, qui plonge dans l'ivresse des formes, le buissonnement des fractales ou l'arborescence du corail.
- des notes précieuses qui voisinent avec les joies de la contemplation de l'éphémère, de l'infiniment petit ou de l'étrangeté de la merveille.
- réservoir de trouvailles ou petit chaos du jour où ne manque pas l'humour.
- une topographie spirituelle, le cheminement du visible vers l'invisible.
la co-présence de langues multiples fait naître de surprenants stolons: Fabienne Verdier établit des correspondances sensibles pour exposer l'infinie richesse de l'idée qu'à chaque fois on peut se faire d'un mot.
 - l'image du labyrinthe permet à Fabienne Verdier d'introduire du discontinu, des bifurcations inattendues, du jeu.
Et Fabienne Verdier de s'exclamer elle-même: "Plonge-toi au coeur des mutations. N'aie pas peur de faire face à l'inconnu!"



Les errances opportunes du jeune prince de Serendip
La pensée arborescente, commune aux scientifiques et aux artistes inspirés, modélise de manière amusante un parcours de "sérendipité". La sérendipité (voir Pek van Andel et Danièle Bourcier, L'Act Mem, 2009; ou Sylvie Catellin, Le Seuil, 2014)  est la capacité à découvrir, inventer, créer ou imaginer quelque chose de nouveau sans l'avoir cherché, à l'occasion d'une observation surprenante et peut être déstabilisante, pourvu que celle-ci finisse par révéler sa propre logique (référence au mythe du prince de Ceylan).
Chaque bifurcation homophonique de notre petite comptine (introduction ci-dessus) nous jette à la face un nouveau concept sans rapport avec l'énoncé qui le précède, sauf qu'il nous appartient à nous de lui donner un sens particulier qui, dans ce petit jeu enfantin, utilise la clé d'une nouvelle homophonie.



Dans la vie réelle, et davantage encore dans la vie de toute personne créative, les trajectoires de sérendipité sont non seulement fréquentes, mais elles peuvent être délibérément valorisées. Une expérience donne-t-elle un résultat aberrant? Loin d'y voir un échec, le chercheur (scientifique ou artiste) en saisira l'opportunité pour mettre éventuellement à jour l'intervention de tel ou tel facteur occulte, agissant à son insu sur l'objet de son attention. Mais il y a aussi une sérendipité de situation, comme on dirait au théâtre "un comique de situation". S'il évolue dans le milieu académique, le chercheur doit faire face à de vigoureuses concurrences pour gagner la reconnaissance des pairs, où s'exercent de violents rapports de forces et se produisent de fortes tensions inter-personnelles. Il apprend vite que les situations inconfortables générées par l'environnement du laboratoire et ses codes impitoyables ne sont pas nécessairement des menaces, mais plutôt des occasions de détours et de percées plus audacieuses. C'est alors que les surprises de la sérendipité viennent lui offrir sa chance de faire la différence. C'est de cela qu'il s'agit: faire la différence !

Jouer à faire ses écarts, sauf d'en être soi-même le jeu?
Pour finir, tout semble donc se jouer à la charnière de ces fameuses bifurcations. Pour introduire un élément extérieur, celui d'éventuelles rencontres insolites ou d'inspirations ingénues, posons les questions suivantes et abordons-les par les retours d'expérience chez nos participants:
- un parcours de chercheur (scientifique ou artiste) fait-il une juste place aux remises en question, aux imprévus, changements de cap et réajustements?
- et qui en a la maîtrise? Le destin aveugle, à moins que l'intéressé ne provoque lui-même le saut de palier? Ou serait-il plutôt lié à la rencontre, au sourire d'une influence extérieure, ou de je ne sais quelle révélation catalytique?

Notre comptine du début ne produit pas autre chose chez l'enfant qui s'y attèle: familiariser celui-ci avec la bizarrerie du monde qui l'entoure.

21/05/2017

Et si on essayait l'intelligence collective ?

Bonjour à tous, voici Arnaud !

A mon tour ...

Créatif ? Mais à une autre échelle
Je m’appelle Arnaud Bilande et je suis né à Anderlecht (Bruxelles) en 1985.
Je suis actuellement (sur)chargé de projets chez Periferia depuis septembre 2011 où je m’occupe plus particulièrement de la communication, du réseau capacitations citoyennes, des quartiers durables citoyens  ainsi que de la coordination de l’association.



Periferia promeut la mise en place d’espaces publics de débat, qui visent à construire collectivement le développement urbain et nos modes d’organisation sociale en croisant les points de vue de personnes occupant des rôles différents par rapport à ces éléments : citoyens habitants, locataires ou propriétaires, usagers transitoires, élus et techniciens de la ville. Pour ce faire, l’association met en oeuvre des actions valorisant et encourageant la capacitation citoyenne de collectifs pour prendre part au débat et agir sur leur environnement. De cette manière, Periferia cherche à rétablir l’influence des points de vue d’acteurs généralement oubliés sur les décisions d’intérêt général.


J’occupe également un mandat d’administrateur dans l’asbl « Le Début des Haricots » qui soutient le développement d’une agriculture urbaine à taille humaine.
Je suis diplômé de l’Erg en narration et ait obtenu l’agrégation en arts plastiques à l’ESAPV à Mons et un brevet d’Eco-Pédagogie (Institut d’Eco-Pédagogie à Namur). J’ai pris part à plusieurs expériences de projets citoyens à Bruxelles (plateforme citoyenne de l’eau en Région bruxelloise, Etat Généraux de l’eau, Bouillon Malibran, Maelbeek mon Amour).

Pour une intelligence collective

Convaincu que c’est à travers la confrontation des points de vue, mais aussi l’implication de chacun d’entre nous dans la politique (la politique en son sens plus large, celui de civilité ou encore de gestion de la cité) qu’il sera possible d’arriver à construire une société plus inclusive et moins inégalitaire, je travaille à faire en sorte que chacun d'entre nous puisse développer un esprit critique sur la société.




Le sens de mon travail consiste donc à permettre un débat constructif tout en facilitant la co-construction de visions partagées. Mon travail consiste enfin à accompagner des démarches collectives visant à transformer la société et influencer les politiques publiques.



Passionné par l’humain, je m’intéresse tout particulièrement à la façon dont nous interagissons et nous prenons des décisions collective (gouvernance partagée, outils d'intelligence collective, etc).

Une vie créative, ça compte pour vous?
Oui énormément, et pour moi cela dépasse largement la dimension artistique. La créativité est un moteur indispensable pour dépasser les situations existantes, apporter des réponses nouvelles aux défis auxquels on est confronté.

Les frontières qu'on vous impose, ça vous lance?
Une frontière n’a de sens que si celle-ci prend en compte la réalité, elle ne peut être tracée telle une ligne qui ferait abstraction du monde et imposée par d'autres (il suffit de voir ce qu’ont produit comme conflits les frontières imposées sur base d’un découpage colonial). Les frontières sont à la fois importantes pour se construire une identité et pour se développer :
- On ne peut imaginer des êtres qui seraient sans aucune attache, aucun liens avec d’autres. Or, le développement de tels liens, indispensable pour que chacun d'entre nous soit reconnu, ne peut se faire sans une certaine forme d’entre-soi.
- En même temps cette frontière, si elle n’est pas questionnée, devient une prison dont on ne peut s’extraire.

























Où avez-vous ressenti sur vous-même la fascination d'une rencontre, le magnétisme de l'étrange autour de vous?
Il ne s’agit pas d’une rencontre mais de rencontres. Les rencontres quotidiennes sont fascinantes, tant on peut se rendre compte de la diversité qui est autour de nous. Elle peut être bouleversante, renversante, dérangeante... mais jamais inutile.

Liens

·      www.periferia.be

·      www.quartiersdurables.be

·      www.capacitation-citoyenne.org

·      http://arnaudbilande.blogspot.be

04/02/2017

Chercheur : un état, ou une attitude ?

D'abord une tournure d'esprit, qui entretient ce que Helga Nowotny appelle le "processus" de la recherche. Les tendances comportementales (curiosité, mobilité, décentrement, goût du paradoxe, gratuité), que nos jeunes chercheurs incarnent et décrivent avec humour ou avec tendresse, ne sont pas autre chose que les vecteurs d'un mouvement calqué sur la vie, et qui emprunte au vivant son caractère dynamique. Autrement dit, il ne nous est pas interdit, que nous soyons chercheurs de métier, dilettantes, ou simples amateurs, d'entrer nous-mêmes dans ce mouvement.

Helga Nowotny ne dit pas autre chose dans son livre (The cunning of uncertainty, Polity Press, 2015) sur les ruses de l'incertitude, que je vous soumets avec les propres commentaires de l'auteur repris ci-dessous. Voici ce qu'elle en dit :

Nous vivons une époque qui fait la part belle à des politiques de la peur, qui s'ingénient à susciter délibérément de l'anxiété dans la population à des fins partisanes. Mon expérience professionnelle m'a ouvert les yeux sur la capacité inhérente à la science de se mesurer à l'incertitude. L'incertitude est la force motrice de la science dans la mesure où elle pousse les chercheurs à affronter l'inconnu.

Et cependant, la société aspire à un monde bardé de certitudes. Elle met la pression sur les scientifiques pour recevoir des réponses sous la forme tranchée d'un "oui" ou d'un "non". Or, c'est impossible. A la rigueur, un "oui" sous tout un tas de conditions. Ce n'est pas seulement une question d'honnêteté, mais de réelle nécessité que celle de parvenir à intégrer l'incertitude dans nos vies.

Je suis très claire là-dessus dans mon livre : si on se laisse gouverner par la crainte de l'imprévu, on fait barrage à tous les possibles dont l'avenir est porteur. Je parle de "ruse" comme d'une métaphore décrivant comment nos plans s'écartent de la ligne droite que nous leur avions dessinée, afin que nous apprenions aussi à jouer de la force subversive de l'incertitude. Si seulement les gens pouvaient se rendre compte combien les ruses de l'incertitude se présentent en réalité comme le moyen de découvrir tant d'autres dimensions, qui échappaient à notre imagination planificatrice.

 J'ai pour ce livre deux publics : les chercheurs que j'encourage à ne plus minimiser l'incertitude, qui est l'essence-même du processus de recherche; et la société qui entretient des peurs, sans avoir pris conscience qu'elle met ainsi en scène des risques liés aux acquis des sciences et techniques, mais qui n'ont rien à voir avec le risque désirable de découvrir du nouveau, donc de l'impensé.

La vie est incertitude. La seule certitude est la mort. Ou le changement ... ce qui n'est pas incompatible.

(Note de la rédaction: il s'agit d'une traduction libre mais honnête d'interviews recueillies auprès d'Helga Nowotny à l'occasion de la sortie de son livre en 2015).